Obadele Kambon, un extraordinaire universitaire et activiste du monde noir
Le Docteur Obadele Kambon est un extraordinaire activiste de la cause noire. Né aux Etats-Unis où il a été victime d’une bavure policière et d’un procès politique, il s’est depuis établi au Ghana où il enseigne la linguistique dans la meilleure université du pays.
Par Sandro CAPO CHICHI de New African Cultures / nofi.media
Obadele Kambon est un linguiste que je n’ai jamais rencontré, mais dont j’ai virtuellement croisé le chemin il y a plusieurs années alors que nous devions travailler sur des chapitres différents d’un même ouvrage. Son parcours d’activiste et universitaire noir de la diaspora né à New York aux Etats-Unis et installé avec succès en Afrique où il enseigne à l’université m’a conduit à lui proposer une interview.
En 2007, Obadele Kambon et sa fiancée enceinte ont été victimes d’un contrôle au faciès par la police de Chicago. Selon lui, la police locale a menti en disant qu’il transportait ostentatoirement une arme à feu dans son véhicule. Cette fausse accusation l’a conduit à se retrouver devant les tribunaux, risquant un minimum de cinq ans de prison. Bien qu’il ait finalement été innocenté, Obadele Kambon a depuis décidé de quitter les Etats-Unis, qu’il appelle l’ ‘Amerikkke’ à cause des injustices dont les Noirs sont victimes. Issu d’une famille d’activistes pro-noirs, Obadele Kambon avait déjà visité le Ghana avec sa mère en 1998. Il y est retourné en 1999, puis y a fait un an de séjour linguistique pour y apprendre la langue twi en 2000-2001. Il s’y est installé définitivement en 2009 pour y préparer une thèse de doctorat en linguistique sur les verbes sériels en twi. Il l’a soutenue en 2012 avec les honneurs à l’Université de Legon. En décembre 2016, il est officiellement devenu un citoyen du Ghana et a contribué directement à l’obtention de cette nationalité ghanéenne de 34 Africains de la Diaspora.
Obadele Kambon définit sa vision du monde comme basée sur Abibitumi (=’pouvoir noir’ en langue twi) et Abibifahodie (‘Libération noire’ en langue twi). L’objectif d’Abibitumi est la libération totale des ‘Kmt=Afrikains=Noirs’ et de Kmt moderne, ‘le pays des Afrikains=Noirs » à travers le monde entier dans tous les domaines.
NOFI : Tu vis aujourd’hui au Ghana après avoir quitté les Etats-Unis. Y as-tu ressenti une baisse de la qualité de vie comme certains pourraient s’y attendre?
Obadele Kambon : C’est tout le contraire. A l’Institut des Etudes Africaines (de l’université du Ghana, NDLR), nous travaillons actuellement sur une étude sur la qualité de la vie au Ghana. Certains des indicateurs que nous avons choisi de traiter dans l’étude concernent la liberté de vivre à l’abri de la peur. Aux Etats-Unis, à chaque fois qu’un(e) Afrikan~Noir(e) sort de chez lui, il ou elle se demande s’il ou elle va se faire arrêter ou tirer dessus. Quand on entre dans une boutique, on a peur de se faire suivre et d’être victime d’un traitement au faciès. C’est arrivé à des célébrités comme Oprah et Forest Whitaker. Si cela peut leur arriver à eux alors qu’ils sont célèbres, quelle est chance avons nous de ne pas être traités de la sorte? Ne pas avoir à se préoccuper de traitements au faciès et des gens qui perpétuent ce système n’a pas de prix. Un jour, alors que je tenais mon fils dans mes bras, j’ai réfléchi au fait que je n’avais plus à me soucier qu’il se fasse tirer dessus s’il joue avec un pistolet en plastique. Je me suis déjà retrouvé ici avec des voitures de police derrière moi sans avoir mon coeur qui bat plus vite quand je les ai aperçues. C’est une expérience complètement différente. J’ai un de mes amis qui m’a dit de manière appropriée: « Ca doit être l’équivalent de ce que vit un Blanc en Amerikkke ».
Au delà de ce facteur, je gagne bien mieux ma vie. Je me suis mis à enseigner les langues ‘afrikaines’ en ligne sur AbibitumiKasa.com. Je continue aujourd’hui à le faire alors que le salaire que je reçois de l’université me permet à moi et à ma famille de bien vivre et de ne plus nous soucier à propos d’autres choses. Et par dessus tout, je mange mieux (je suis vegan depuis que je suis dans le ventre de ma mère, mais aux Etats-Unis, il y a beaucoup plus de choses transformées que l’on présente comme de la nourriture) et je peux faire beaucoup d’exercice. Ma qualité de vie s’est largement améliorée selon ces critères.
NOFI : Tu as un doctorat en linguistique. Peux-tu nous dire ce qui t’a conduit à étudier cette discipline?
Obadele Kambon : J’ai suivi un cours de mdw nTr (les soi-disant hiéroglyphes égyptiens) au début de mes études avant d’étudier à l’étranger au Ghana. Quand j’en suis revenu, j’ai commencé à tracer de nombreux liens linguistiques entre le twi et les mdw nTr. Le docteur Mario Beatty (un ancien élève de Théophile Obenga, NDLR) m’a recommandé d’aller étudier la linguistique et les langues et les littératures africaines à l’université du Wisconsin à Madison pour traiter de ces problématiques. J’y ai obtenu deux masters dans ces disciplines. A l’avenir, j’aimerais me focaliser davantage sur la linguistique historique et comparative et me focaliser sur les correspondances entre vles mdw nTr et les langues ‘afrikaines’ modernes que j’ai étudiées. A cette fin, j’ai proposé de créer un cours qui traiterait de ce sujet à l’Institut des Etudes Africaines de l’Université du Ghana.
NOFI : Tu as créé un site internet appelé abibitumi.com. Peux-tu nous dire pour quelle raison tu l’as créé et de quoi il traite?
Obadele Kambon : Abibitumi.com est principalement une institution éducative spécialisée dans l’enseignement en ligne et en direct des langues ‘afrikaines’ comme l’akan (Twi), le yoruba, wolof, l’ewé, le ga, les mdw nTr (hiéroglyphes), le kiswahili et autrefois, le songhaï. Les cours sont tenus dans des espaces de cours en ligne vidéos et audios à la pointe de la technologie. Abibitumi propose aussi des cours sur une grande variété de sujets pertinents à la libération ‘afrikaine’ et à ce que c’est d’être ‘afrikain’ dans le monde ‘afrikain’ enseignés par des enseignants de l’ensemble du monde afrikain=noir.
En plus de ces cours en ligne, Abibitumi dispose aussi d’un forum où des Afrikains du monde entier peuvent discuter de différents sujets à propos des langues africaines, de l’éducation, de l’économie, des systèmes sociaux, de la santé et d’autres sujets encore.
Enfin, Abibitumi est constitué d’une boutique accessible sur la page principale du site où les étudiants s’inscrivent pour les cours. Les produits d’Abibitumi sont proposés à la communauté ‘afrikaine’ dans son entièreté.
NOFI : Comment les lecteurs de NOFI peuvent-ils t’aider à réaliser tes espoirs et objectifs?
Obadele Kambon : La première chose à faire est d’actualiser le lien entre son savoir et son comportement. Lorsque l’on apprend à se connaître soi et son ennemi, on se doit d’agir en cohérence avec ce savoir et cette compréhension des choses. Mon père et moi avons développé ce que nous appelons la ‘BlackTrix’ (ou Kambondisme), qui aide les ‘Afrikains’ à déterminer comment chaque pensée, mot ou action est utile aux ‘Afrikains’ dans tous les domaines de l’activité humaine.
En termes pratiques, les lecteurs peuvent entraîner en contact avec d’autres ‘Afrikains’=Noirs sur Abibitumi.com, le réseau d’éducation ‘afrikain’=Noir #1 du monde possédé, dirigé, géré et peuplé par des ‘Afrikains’=Noirs.
Pour en savoir plus sur Obadele Kambon :